dimanche 24 avril 2011

Level 5 - partie 4

« C'est bien pour nous prendre la tête qu'ils sont passés sans nous mettre de race. Ils n'ont pas d'arme, correction, pas d'arme visible. Et ça ne prouve pas qu'ils ne peuvent pas nous détruire. Mais je sais au fond, je me doute, c'est l'alerte. » Mes wuffies sont d'ailleurs passés d'un niveau spécialement encourageant à un niveau médium. C'est ça qui m'a automatiquement désigné pour prendre la parole, et décrire ce que nous ressentions tous. Je suis surpris du ton clair de ma voix pour dire que nous étions passés au niveau décisif. Niveau 4.
Plus tard, quand je peux enfin reposer ma tête sous la nuit songe tombée sur le bivouac, je ne cesse de repenser à lui. J'ai pourtant fais ma croix sur ce bordel, et ça m'a pris dix ans d'oublier ces premières guerres des cœurs. Dure époque, on dirait un jeux de cure dents sous l'angle du filet.
Putain de guerre. Tous ceux qui voudraient bien jouer à autre chose. Les outcast, ceux qui se connectent une fois de temps en temps et que nous voyons parfois se charger des basses besognes. Mon corps qui doit peser dans les 100 kg maintenant, les muscles atrophiés, pitoyablement alimenté par les injections de la sécu. Me demande comment ils font pour trouver encore les veines. On est pas dupes ici. Si on est restés bloqués comme des cons, les nerds, c'est pour eux, pour qu'ils aient un truc à mater à la télé. 1984 style, la guerre, fumette des peuples, et les peuples, la maille des show bizeux.
Il doivent bien se marrer avec cette histoire de mutant. Et où est il est passé lui ? Je sais qu'il est dans le jeu, encore un homme, lui. J'espère. Il était si beau avec ses cheveux de la longueur de l'antiquité. On oublie pas les premiers coups dans la gueule, surtout si on sait y répondre.
Le filet ne prive pas de la solitude. Si seulement. Elle devient insupportable et puis, moteur pour peu que les autres joueurs, amis ou ennemis, sachent la diriger. Les visage apparaissent et toutes les images sont d'une incomparable clarté, d'une définition bien supérieure à tout ce qui appartient au filet. Les rêves sont consignés dans des blogs vidéos en version compactée, consultables par tous. Les vrais visage des joueurs et leurs incarnations archétypales, le meilleur angle d'attaque du jeu. La musique aussi est dans les rêves, la seule qui puisse être entendue. Des vieux tubes du vrai monde parfois, mais le plus souvent, une synthéphonie suraïgüe qui troue les oreilles à la mesure de l'accélération nécessaire à la mise en ligne qui la rend bourdonnante. Les violences du jeu s'y déchargent et et de déchaînent. Tripes dehors, mutation invalidantes, défigurations d'horreur, flots de fluides malsains. Je poste toujours mes rêves sous un pseudonyme : son nom à lui. Il fait partie de l'autre camp, pas de meilleure couvetture quand je passe mes nuits à baiser et à massacrer mes coéquipiers. Il ne m'a jamais dénoncé, mais je suis sûre qu'il regarde mes rêves.
Cette nuit, c'est lui que je hais, je suis une femme, celle que j'aurais dû être, et je ne le massacre pas. Une armée de mutants nous entourent et exécutent ce qui ressemble pas mal à des geste de masturbation. Leur peau est brillante et glaciale, je me demande en survolant les images comment j'ai pu rester excité dans ces conditions. Son corps à lui, sans doute, long malin et dénoué. D'une force tétanisante, inexorablement entraînante. A chaque pas son halètement entêtant lorsque j'embrasse le haut de son torse et la douceur rêche de sa main qui descend depuis mes épaules, son sexe nourrissant mon ventre, puis tout le reste.
Voilà le matin. Histoire de dire. Dans la chaleur sèche du sable qui use.
On marche, encore encore, on joue le jeu de la patience et compte les points d'endurance. On aide les autres à soigner une piqûre de nasty cactus, une faiblesse des tendons. En avant soldats ! Nous traversons des charniers, des survivants en cours de mutation, avec les même reliefs noirs et blancs que sur le mec que j'ai vu au camp.

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