jeudi 14 avril 2011

Level 5 - partie 1






Putain mais comment je me suis retrouvé là encore. Je me dis ça beaucoup trop souvent, vraiment. Là je suis dans une grande tente genre chapiteau carré. Dehors il y a le désert af-ghan et les bombes qui se rapprochent. Je croyais qu'ils ne bombardaient que les villes, bizarre. On dort tous dans des cases séparés par des rideaux. Ça a l'air précaire, en regard à quoi? Je me souviens pas qu'il en fut autrement un jour.
Le jour s'est levé depuis un moment, il temps que nous quittions nos emplacements. Je suis encore tout mou de la nuit et je marche péniblement jusqu'au carré ensablé ou nous avons un petit espace de promenade. Une quinzaine de mètres carrés, ce n'est pas la panacée mais sans eux on deviendrait tous fous. Comme si nous ne l'étions pas encore.
Comme tous les matins, des petites femmes voilées, posées sur des chariots à roulettes surgissent de tous les coins, en armée silencieuse d'abeilles qui s'affairent. Armées de pelles et de serpillières elles virent toute la merde et la montagne de débris qui s'accumulent de façon totalement démesurée chaque nuit dans nos abris. En quelques gestes elle font disparaître le paquet d'immondices puants dans la rigole du milieu. Je ne comprend pas comment on fait tous pour accepter ça avec une vague reconnaissance tout à fait surpassée par notre dégoût. Leur vêtements tous colorés et leurs regards impénétrables, comme les intouchables indiennes elles repartent d'où elles sont venues. D'ailleurs je n'ai aucune idée de où cela peut se trouver, il n'y aurait que le sable.
Je tourne donc en rond, préoccupé par le sort de ces créatures hybrides, pataugeant essayant sans espoir de retrouver mes esprits. Le type que je croise marche sur ses deux jambes, et il n'a pas de torse ni rien de tout le reste supposé se trouver au dessus. Des mutilés de guerre. Il y en a de plus en plus maintenant dans les parages, c'est à cause de leur nouvelle arme en réseau. Les mecs perdent leur présence virtuelle. A moitié quoi. C'est assez troublant quand on croise un autre type qui n'a que le haut, on aurait envie de les associer. Mais bon, on sait toujours qu'ils en n'ont plus pour longtemps. D'ailleurs la poitrine qui remonte l'allée où se situe ma case commence à se tortiller de douleur. Et bam, elle s'écroule dans un nuage.
Par contre les cadavres, ce ne sont pas les femmes qui les nettoient, on doit les sortir nous-même. Aujourd'hui on va pas avoir besoin de le traîner bien loin vu que nous allons devoir déplacer le baraquement très bientôt. Les détonations se font de plus en plus oppressantes en se rapprochant et dans notre hébètement de bêtes traquées je ressens une contrariété, même presque plus de terreur. C'est dégueulasse je me dis. La guerre nous fait vraiment oublier pourquoi on vit. Il n'est plus question de projet ou de but ou de ces idéaux stupides qui nous on menés ici. Il n'y a plus que ça, le sable, le sang et nous tous qui ne parlons presque plus et ne crions que lorsque cela est incontournable, à se demander quoi. Mais je suis pas là pour vous débiter les clichés à la jusqu'au bout de la nuit. Moi c'est pas ma guerre , et elle n'est celle de personne ici, nous ne sommes même pas là.

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