mercredi 20 avril 2011

Level 5 - partie 2


Je passe prendre Joe à sa tête, lui aussi est déjà prêt. Il se consacre à organiser un minimum notre trajectoire. Après, eh bien , nous verrons bien qui décidera de nous suivre. Il touche avec délicatesse et précision le tactile de son avant bras pour obtenir les mises à jour des cartes. La transmission est lacunaire, certaines données datent d'il y a deux jour, autant dire une éternité vu la vitesse à laquelle la peur a infiltré le camp. Mes wuffies sont totalement à plats, aucune nouvelle de l'extérieur. On le paye par ici de tomber dans l'apathie post traumatique et j'avais été un peu trop loin dernièrement. Joe me propose sa direction. L'ouest. Quelle ironie, jusqu'ici la menace vient toujours de là.
Je rassemble une fois de plus les pitoyabes reliques qui composent ce que les soldats d'antant appelaient leur bardat. Il faut quitter ce lieu nauséabond déjà empli de cris et d'images impossibles. Cette femme accrochée à la jambe de son homme mort depuis deux jours dont la décomposition prendra forcément une tournure virale. Cela me glaçe plus que je ne l'aurait avoué. Sa peau devenue translucide et que quelques heures laissent maintenant apparaître des os noircis dont les excroissances acérées ne présagent rien de bon.
Et ces constantes déflagrations me rappellent à l'ordre. Un ordre qui s'est fait mien par inconscience, par une vision beaucoup trop nette de la tournure de notre fin du monde.
Certains membres pourtant confirmés ne se pointent pas malgré la persistance de leur icônes sur le poignet de Joe. Mauvais signe. C'est dans la lumière implacable du grand jour du filet que notre unité improvisée déserte le camp mortifère en direction du grabuge. Je serre fort mon barda contre mon ventre et me souvient d'un temps où j'aurais souffert qu'il fut vide. Mais il va me falloir plus de wuffies. On ne sait jamais si il arrive quelque chose à Joe, on va avoir besoin d'un bon récepteur pour nous guider, ou dans le cas ou je décide de me barrer, on sait jamais. Je demande à Aziz discrètement derrière combien il peut me prêter pour me refaire une santé. Son offre est généreuse et son geste poli et doux, il me touche grandement avant ce départ. Nous marchons dans le temps relatif. De mon côté je laisse la programmation lente pour permettre à mes wuffies de remonter. Au milieu de mes camarades je retouche des connexions perdues. Je rattrape mon retard et commence par redessiner les contours du paysage tragiquement minimaliste qui s'étend devant nous. Les textures des pierres et des buissons se refroidissent et je commence à pouvoir évoluer sans ces putain d'à coups qui ne facilitent pas les choses en cas de combat. J’obtiens même quelques informations sur l'évolution des conflits. L'épidémie, alerte 3 est déclenchée. Jamais nous n'en avons connu de telle depuis le début de cette partie. La plus haute jamais connue. Il va falloir que je parle de ça à l'équipe. Et Dieu sait qu'il n'est jamais bon d'apporter les mauvaises nouvelles.
Je temporise et passe en crew mode. Dans ces cas là nous ne formons plus qu'un bloc compact et dissolu les uns dans les autres. Le système calcule pour nous les les réactions en fonctions des personnalités de chacun, si toutefois il en est besoin d'une. Je m’aperçois que je suis le dernier à les rejoindre. Je suis devenu vieux, moins réactif me dis-je, me reprochant seulement à demi mon accès d'individualisme. Les miettes surexposées du décor se matérialisent dans l'horizon trouble. De grandes masses noires-grises à la définition douteuse se rapprochent bel et bien de notre convoi. Un doute sur ces échanges de regards, ces formes trop souples pour leurs contours abrupts comme fluidifiées de l'intérieur. À tel point que l'énergie leur donne la démarche de briseurs d'air. Notre air poussiéreux assailli de mille intuitions réflexes de méfiance, mise en observation, adrénaline, tension mise en condition de lutte. Repliés en formation de sûreté notre figure est une antique stratégie dont j'ai un peu honte lorsque la horde passe son chemin, visiblement préoccupée par quelque dessein plus important. Mais j'ai bien le temps de sentir leurs pas pousser l'espace et écraser doucement le sol. Fait de membres quasi humains quoique sans saturation leur densité est démusurée sans qu'ils soient épais. De quel joueur malade a pu naître ce concept horrifiant ? Je me surprends à envier ces créatures autant que je les plains et m'en méfie. Comme si je n'avais jamais vu de mutant avant ça. Soulagement pour toute la troupe qui exhale aux cieux violets, place au flot de questions et analyses qui s'engouffrent dans le mini réseau.

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