lundi 14 juin 2010

La Petite Thanathoïde - 6

Il veut dormir. Incroyable, comme il s’éteint, paf d’un coup. Elle aussi elle aimerait avoir un bouton off, couper « freak out » d’un cut sans avoir à attendre la fin du morceau. Les voisins se crient encore dessus dessous ce soir. Elle s'en fout elle fait plus de bruit que les autres.


Deux quatre jours filent comme ça sans un rayon de soleil. La routine parvenue à un mécanisme aussi digeste qu’une purée d’hôpital. Un fruit une tranche de pain, un sandwiche, une compote, une demi portion de dîner. Une nuit sans abandon, les yeux écarquillés dans un hurlement muet.

Il se tire pour trois jours à Angers. Elle va pouvoir souffrir comme il faut. Elle marche marche, va nager dans le chlore anonyme et il pleut. Elle nettoie, et se tient devant la fenêtre, le visage peint en noir et habillée en sorcière une main levée pour voir si ça fait peur aux cons.

Le voisine se repointe avec son sale chien qui sent le paillasson. Elle lui fait du thé, du ceylan marron qui fait palpiter le cœur quand on a faim. Au fond c’est peut-être pas si mal qu’il y ait quelqu’un ici avec qui c’est clair que l’amour n’est pas en jeu.

« Alors vous en êtes où ?

-Eh bien, je vais nager, je m’occupe de l’appartement, on n'a pas cours en moment et mon copain est à Angers pour trois jour.

-Bien bien…

-Et vous ?

Moi je me pose des questions.

-Ah oui ? »

Elle s’en fiche : elle regard la pendule. Si elle déguerpit pas elle va être en retard pour son pseudo dîner et ça la met dans une panique folle.

« -Eh bien oui. Au sujet de Elle ».

-Ah

-Arrêtez de faire semblant, vous voyez bien qu’elle veut du sang. »

La voisine dit ça en dressant sa petite tête hirsute orange d’un coup. Vraiment effrayant.

Elle ne se démonte pas. Après tout il y a enfin quelqu’un qui prend le truc au bras le corps

« -Oui je me doute mais vous voulez que je fasse quoi ?

-Lui en donner évidemment ! »

Là elle est complètement réveillée. La faim lui donne ses ailes osseuses de chauve-souris et lui picote les cuisses. Sa langue est sèche et toute dure.

-Mais oui bien sûr c’est simple, j’ai envie de mourir, donc c’est mon sang qui doit couler, c’est bien ça ? Eh bien voyez-vous ce n’est pas comme ça que je vois les choses. Maintenant, je vais dîner, puisque vous avez fini votre thé. »

La voisine reste tranquille et se lève en parlant à son caniche, se reconduit elle-même à la porte pendant qu’elle, elle garde les bras bien croisés en face. Une fois fermée, elle se lève ; met le verrou et se sert un marie-brizard-jus de cassis bien sucré. Elle se perche sur le pouf avec une bougie et savoure l’ivresse de l’hypoglycémie alcoolisée avec Huxley dans les mains. Elle ne comprend rien mais les mots qui dansent la rassurent.

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