samedi 31 juillet 2010

Claire dans la nuit - 5

Le poseur qu'il était se planta, assuré, sur sa bouteille avec un air moqueur.
Impossible de savoir si c'était envers notre réaction ou ses épanchements. Avec beaucoup d'à-propos, un corbeau, ou une corneille, je les confond toujours, lança le rire qu'il taisait. Claire ne sut pourtant pas cacher son hilarité et recueillit le cri avec une férocité qui me hérissa. Je n'avais pas d'histoire à raconter, mais elle me regardait, moi, la bouche fendue et le front illuminé. Je caressais du bout du pied les feuilles mortes enchevêtrée dans la boue.

« -Ben alors. Sans déconner. Je sais pas ce que je fous ici.
-TU veux dire là aujourd'hui ou là maintenant?
-La question a tout lieu d'être posée.
-Nous c'est parce qu'on vient souvent par ici.
-J'avais deviné. Dit le type en prenant entre ses doigts douteux sur le bas de la jupe de Claire. Il les retira.
Avait-il seulement esquissé un geste machinal? Après tout cette jupe était jolie avec sa fine bordure travaillée. Ou bien alors, mon envie s'était-elle seulement déplacée. Ou encore, jouait-il ce sombre jeu depuis que mon regard plongeait vers le sol? Tom essaya de briser la silence magnifique en récitant des vers.
« Vous connaissez?
-Bien sûr répondis-je. S'il y a un poète que je connais c'est bien lui »
Je ne voulais pas qu'il me prit pour un enfant. C'est vrai que cette nuit donnait une couleur toute neuve à ces mots tant de fois répétés. Ils nous contaminaient, faisait tressaillir nos organes, délicieusement. Et je l'interrompis.
« Et une bière d'expiation! », en sortant une bouteille de ma poche intérieure.

Claire me fit ses immenses yeux bleus comme si j'étais effectivement son sauveur.
Mais je n'y crus pas une seconde et me contentais de l'ignorer. L'autre repartit de son rire jovial et caverneux. J'aurais donné n'importe quoi à ce moment-là pour avoir une guitare et savoir en jouer. Elancer des accords à donf et dompter le vide qui suivait ma maigre blague. Je voulais colorer le malaise que je sentais venir, quand je regardais les doigt, que je devinais rugueux de Tom se faufiler dans les cheveux de Claire, du coin de mon oeil flou.

Parce que je sentais très bien que je n'avais ni la force ni l'envie d'arrêter quoi que ce soit. Mon coeur frappait violemment mes côtes, au moins aussi fort que celui de Claire, qui avait disparut des iris quant elle se détourna de moi, et devait se concentrer tout entier à l'endroit précis où le contact avait lieu. J'ai bien dû lui jeter un regard approbateur à ce moment-là, nous nous connaissions si bien. Je m'éloignais alors d'un pas, toujours assis, et avalais la moitié de ma bouteille d'un trait en priant que le liquide chaud et nourrissant entretienne les étincelles dans mon cerveau et reste au fond de mon estomac vacillant. Leurs bouchent se mêlaient quand j'eus avalé avec détermination mon breuvage. Se mêlaient et s'emmêlaient dans un rythme hypnotique et dérisoire, dans un détachement suave et insoutenable de sensualité.

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