jeudi 27 mai 2010

La Petite Thanathoïde - 2



Un an qu'elle est à Nantes, un an que les larmes tombent de plus en plus grosses, de plus en plus souvent de ses yeux, n’importe quelle heure, que la glace coule dans ses veines comme une drogue de rien. Elle s'est mise à marcher, pour éteindre ce feu qu'il ne peut pas calmer. Des kilomètres de montées et de descentes, par tous les temps, vite, vite en marmonnant. A affronter les baisers glacés de ses cauchemars dans les ruelles grises de la ville maudite. Pour l'attendre, comme elle l'a déjà attendu, six mois, quand ils avaient 18 ans et que le monde était une grande cour de récréation. La première fois le ciel et les étoiles se sont déchirés au-dessus de leurs corps électrifiés, elle n‘en était même pas à essayer de sentir des contours. Tout pénétrait, tout caressait épousait et fondait dans un ballet de combustion spontanée.

Elle a croisé son reflet, ses reproches dans les vitrines des pâtisseries qu'elle contemplait, pour le plaisir de déguster des yeux avec la faim au ventre. Chaque bouchée imaginaire qui ronge ses os, que l'autre mange pour elle, que personne ne veut porter à sa bouche. Ses cris silencieux emplissent les éclairs de crème au chocolat.

C'est comme ça quand elle l'attend. Elle préfère penser qu'il ne viendra jamais, que le temps s'est arrêté et qu'elle n'est plus que ses yeux pour voir, ses fesses saillantes sur les pierres tombales qui sont ses seules amies.
Elle rêve qu'elle est noire, qu'elle est vieille qu'elle est maigre, elle voudrait ne jamais lâcher la main de la fillette d'un millions d'années qui lui tient la main et se moque d'elle avec sinistre silence. Alors elle se peint le visage, elle hurle en face du miroir, elle se griffe et monte, descend de la balance quinze fois par jour. 39 kg. 39 kg 200. 38 kg 900. Elle s'agite et s'écroule en soubresaut, brasse plus d'air qu'ils ne pourront jamais en respirer.

Elle se roule un joint, ouais comme ça avant de partir, pour la première fois de sa vie le matin. Et merde, au moins ça non? Elle se sent plus légère et sa peur peut enfin ouvrir ses ailes de corbeau pour quelque chose. Elle ne le réveille pas, elle sait qu'il ne posera jamais plus ses mains là où il le faudrait.

Elle chantonne "crying for no one a love that you had passed at years", le disque répond "cried for no one a love that should have lasted years".

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