dimanche 2 janvier 2011

Le Cureteur à Piston - 8


Vendredi 30 Octobre 2009

Mon dieu, quel cauchemar atroce que celui qui vient de naître des pourritures de mon cerveau. Je n'ai pas tant, bu il n'y rien que moi et mes songes, ceux qui vous trahissent le plus. J'ai vu Justin et Louise s'embrasser en, rêve, tous les deux torses nus buvant à la source de leurs bouches, comme un fruit frais qui ne s'épuise pas. C'était très beau avec un pincement au cœur. Ensuite, Louise était dans une transe folle, comme un singe épileptique à la réflexion. Noire et maigre, geignant dans une violence désarticulée, condamnée à être flanquée contre les murs mais dans un désir sournois de baiser le corps exposé de mes amis de mes griffes. Je voulais hurler tandis qu'un saisissement fasciné, comme une brume de matin fraîche me roidissait. Je savourais en souffrant silencieusement l'énergie que je sentais me traverser pour former le déchaînement dont j'étais la spectatrice. Parfois me venait le sentiment qu'inspirant leur plaisir j'étais leur maîtresse de l'ombre. Je n'ai vu l'horreur de la scène d'après que dans succession de flous et de transitions sans appels, dans la logique implacable des rêves. Je dormais dans un lit blanc, au creux de bras que je pensais ceux de Justin, les jambes reposant dans un liquide chaud. C'est alors que refusant de regarder effectivement le bas de la couche, je su qu'un animal l'occupait. Une moitié d'animal, partie inférieure bien sûr. Le liquide chaud, c'était son sang, un sang trop noir pour être vivant et trop visqueux pour être humain. C'était un cerf ou un taureau, un cheval brun, je n'aurais su dire. Je l'avais amené là, dans l'inconscience de Justin, et dans la mienne visiblement. Il faudrait s'en débarrasser et tout nettoyer le lendemain, je le savais bien. Et le sommeil voulait me le faire oublier. La chaleur plasmique des draps m'engourdissait et l'étreinte de Justin concourrait à me rendre certaine de l'absolue nécessité de la présence de ce demi-cadavre avec nous. J'ai vomi toute la journée aujourd'hui, une casserole pleine de bile, rejetant la faute sur l'alcool et comptant sur le fluo dans l'aluminium pour m'apporter les réponses de ce qui repose en moi et qui produit de tels tableaux. Je ne savais pas qu'on pouvait rejeter autant de cet acide et ma mère a voulu appeler un docteur, quand pleurant sur le canapé, elle me tendit un verre de sirop et mon sac, avec mon cahier dedans. C'est passé. Je devrais dormir sans Justin et sans l'animal, implorant mes tempêtes de se tenir plus tranquilles.

Muriel était exceptionnellement en avance aux débloks. Un homme était déjà là, le seul avant elle. Le dos droit, les mains à plat sur les genoux, il fixait l'air ou le mur en face de lui, d'un air de quelqu'un qui se saurait caché par un masque une barbes ou des lunettes de soleil. D'un calme incontestable et presque effrayant son attitude absorba tellement Muriel qu'elle s'assit sans s'en rendre compte tout près de lui. Elle murmura alors un « bonsoir » qu'elle voulait de circonstance, alors qu'il n'y en avait aucune connue dans ce cas présent. Seul la résonance et pas le père Grégoire lui répondit.
« ça tombe bien que vous soyez là, se décida-t-elle à lui souffler. » Le père Grégoire était de ces personnes qui inspiraient un respect immodéré à ceux qui l'approchaient. Sa force lui venait aussi de la tolérance qu'il affichait pour la contestation, qu'il la voit affichée à son encontre ou à celle de ses principes dont nul n'aurait su dire si ils avaient vraiment un foyer. Le père Grégoire était un de ces bergers profondément terrestres.
« Est-ce que vous-vous y connaissez en possession?
Les yeux du prêtre se firent hilares à la place de sa bouche.
« Explique-toi »
« J'ai de bien mauvais pressentiments.
- Ca c'est courant, cela a à avoir avec la maladie humaine, pas avec les esprits.
-Oui justement, ce n'est pas elle, je la reconnaitrais. C'est justement quelque chose de non humains dont je parle, insista-t-elle en pensant au demi cerf. Je ne contrôle rien, il me manque des morceaux dans le temps, on me guide, on me fait ressentir des choses.
-Tu sais pourquoi nous faisons ce travail ici?
-Les débloks vous voulez dire?
-Oui
-Non exagéra-t-elle cherchant manifestement uniquement à le faire parler.
-Les histoires de démon, tout le bazar, tout ça a changé. Maintenant cela à un autre nom et nous savons toi et moi que ce n'est ni Marylin Manson, ni aucun homme vivant. Notre ennemi n'a jamais été vivant. Plus d'exorcisme, même le mal s'adapte à son ennemi, ici, nous cherchons à le comprendre à savoir ce qu'il cherche. Car cela a toujours été la façon de chasser les démons, cela est une chose qui ne change pas.
Pendant cette dernière phrase, sans doute prononcée un peu trop fortement pour Muriel qui voyait rentrer Marie-Line et les participants autour de la table.
-D'accord, supposons, poursuivit-elle en chuchotant. Que faites-vous alors, que suis-je sensée faire si je sens cette chose, n'importe quoi, m'envahir chirurgicalement, sans doute possible et sans aucun mélange avec le reste de mes sentiments.
-Une telle chose est un conte de fées. Et c'est exactement les histoires dont les malades ont besoin pour gérer leurs pulsions niant l'empathie. Et la raison n'est pas l'ennemi de dieu. Chirugicalement, les cellules de votre cerveau n'ont rien de plus que la légère schizophrénie pour laquelle vous êtes traitée. La raison n'est pas l'ennemi de Dieu.
-Mais enfin, vous ne voyez donc pas que je crie au secours? Et à qui d'autre? Je suis un véhicule, pas là tout de suite, mais je ne peux rien faire que de le crier pour sauver le moindre libre-arbitre qui me reste. Et personne ne comprendrait si bien que vous cette imbrication d'ailleurs.
Muriel est furieuse et sa bouche se tord quand elle termine chacun de ses mots.
Marie Line pose une main sur son épaule et ébauche un « tu sais... »
« Vous savez vous, que je vomi de la bile verte? Que je tremble et que je gerbe dans les frissons constants d'une fièvre sans température. Le fil se perd sans direction au-dessus de la douleur. Et je vois dans la nuit des choses.
Le père Grégoire l'interrompit en murmurant une prière. La mélopée de sa voix ramena un semblant de tranquillité dans la pièce sidérée au milieu de laquelle Muriel se releva.
« Non, cela ne va vraiment pas être possible pour moi de rester ici ce soir » annonça-t-elle. Elle siffle entre ses dents « Hommes de peu de foi, est-ce ainsi que vous ramenez à vous vos brebis égarées lorsque l'une vous appelle à l'aide.
« S'il y a avait vraiment un esprit malin, le meilleur service que nous pourrions lu rendre serait de croire en lui. Le tien n'aura pas ma foi, le reste est ton combat. »
Muriel ne fut pas en mesure de retenir les larmes qui tombèrent de ses yeux humides et referma la porte un bras tendu les genoux crispés, prête à mener une guerre qu'elle savait perdue par avance.

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